L’Homme qui penche, de Thierry Metz

« Vous êtes au seuil d’une grande œuvre », nous prévient Cédric Le Penven dans sa préface de l’Homme qui penche, de Thierry Metz, réédité par les Editions Unes en mai 2017.

L’auteur, qui nous parle depuis des pages laissées en prose derrière lui, en écrira deux cahiers comme autant de séjours à l’hôpital psychiatrique de Cadillac, en Gironde. Il combat l’addiction qui, elle, répond au deuil du fils perdu trop tôt, perdu le même jour où il obtient le Prix Voronca pour son recueil Sur la Table inventée.

Dans l’hôpital, qui est « une demeure comme une autre, différemment pour chacun, modifiée par ce que l’on y dit, ce que l’on y fait », il cherche par l’écriture l’habitant qui a cessé d’occuper la maison qu’est son corps, ses souvenirs, son soi. Il cherche celui qui se penche sur les feuilles, inatteignable par le crayon et le langage. Mais il lui « manque toujours ce qui aurait pu être. Et qui peut-être a été », et il perd pied.

Dans tous les visages qu’il observe, de la jeune infirmière qui lui porte attention, de Mady « La Simple rose du regard », de Philippe qui n’est pas « habité par ce que l’on pourrait croire », il s’efforce de trouver cet occupant, ce déserteur convoité.

Il constate les corps fragmentés, prisonniers de l’« hypnose de la mémoire ». Il surveille les âmes flâneuses qui vont et viennent sans but, sans même emprunter des chemins. Tout entre et sort, tout accueille puis raccompagne, tout rapproche mais éloigne, aussi.

Il n’y a que le désir de pouvoir se nouer à nouveau à eux, à nous. Mais la proximité est difficile et les mots sont disparates, ils n’ont pas toujours raison. « L’Homme qui penche est encordé. Encordé mais pas lié ».

Il n’y a que l’espoir d’apprendre à vivre une nouvelle fois, de continuer de conter et d’écouter, de jouir des choses. Mais pour la plupart, ils sont déjà morts, morts « sans le savoir ». Ils souhaitent se réparer, mais « seules les horloges ont le temps d’avoir le temps ».

Sans rage ni réelle tristesse, Thierry Metz nous délivre ses dernières poésies, celles d’un homme qui combat pour retrouver l’espoir, risquant se rappeler que les nuages ne sont pas toujours annonciateurs de pluie, et qu’ils sont parfois là par la seule poussée du vent, soupir alléchant de promesses. Mais « quoi que je fasse ou écrive », dit-il, « n’y a-t-il pas ou n’y a-t-il plus que cet instant ? »

Une œuvre écrite avec force et générosité, dotée d’une mélancolie des jours à venir puisque, contrairement à certains avec qui il partage ses jours en Gironde, lui sait que le salut n’est pas à l’ordre du jour. Un homme à la vie fauchée par une voiture qui ne laissera qu’un vélo au bord de la route, un écho de l’injustice de celui qui aimait, peut-être, vivre, et que l’on peut encore rencontrer, au travers de ces pages.

À lire.

Info sur l’édition :

Il existe un tirage de tête de cette édition, en 33 exemplaires, répartit de deux façons :

Un premier tirage numéroté de I à XI, contenant des interventions d’Ena Lindenbaur et réunis sous emboîtages par l’atelier Jeanne Frère, à Nantes, et signés au colophon par l’artiste. Et un deuxième tirage de 22 exemplaires, numérotés de 1 à 22, contenant un dessin original d’E.L., signé.

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